mercredi 4 juin 2008

Prison avec sursis en Algérie pour des chrétiens évangéliques

Quatre chrétiens évangéliques algériens ont été condamnés mardi à de la prison avec sursis et à des amendes pour avoir cherché à convertir des musulmans. Des récentes fermetures de lieux de culte et des poursuites judiciaires pour prosélytisme ont suscité des protestations à l'étranger et dans les milieux libéraux d'Algérie, qui dénoncent une vague de répression contre les chrétiens. L'Algérie compte 33 millions d'habitants, en quasi-totalité musulmans, et seulement 10.000 chrétiens. Le gouvernement se défend de mener une politique de persécution religieuse et le Haut Conseil islamique, chargé du contrôle de la pratique religieuse, a mis en cause le "prosélytisme agressif" des chrétiens évangéliques, des protestants accusés de chercher à semer la division entre les Algériens et de vouloir "coloniser" le pays. Mardi, le tribunal de Tiaret, dans l'ouest du pays, a condamné à six mois de prison avec sursis et à une amende de 200.000 dinars (environ 2.000 euros) Rachid Seghir, un informaticien de 36 ans, pour avoir violé la loi de 2006 qui interdit à des non-musulmans de chercher à convertir des musulmans. Trois autres prévenus - Djillali Saïdi, Abdelhak Rabih et Chaabane Baikel - ont été chacun condamnés à deux mois de prison avec sursis et à 100.000 dinars d'amende. Tous ont annoncé leur intention de faire appel. Deux prévenus - Mohamed Khan et Abdelkader Hori - ont été acquittés. Larbi Drissi, avocat représentant le ministère des Affaires religieuses, s'est dit satisfait du jugement "qui fait que chacun pratique sa religion, quelle qu'elle soit, en conformité avec la loi". Khelloudja Khalfoun, avocat de la défense, a dénoncé pour sa part "une atteinte à la liberté de conscience". "Nous sommes chrétiens et nous n'avons pas honte de le proclamer", a déclaré Rachid Seghir à la sortie de l'audience. Le mois dernier, le procureur de Tiaret a requis une peine de trois ans de prison ferme contre une musulmane convertie au christianisme, Habiba Kouider, accusée de pratiquer sans autorisation une autre religion que l'islam. Ce procès se poursuit. La loi de 2006 impose la célébration des cultes religieux dans des locaux reconnus et approuvés par l'Etat, une mesure qui a conduit ces six derniers mois à la fermeture d'une dizaine d'églises ainsi que de plusieurs mosquées. Elle prévoit des peines de prison et des amendes contre toute personne "qui incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion". "Ce que la loi demande aux chrétiens et aussi aux musulmans est d'exercer leurs cultes religieux en toute transparence dans un endroit réservé à cet effet et d'appartenir à un établissement religieux agréé", a déclaré la semaine dernière Abou Amrane Cheikh, président du Haut Conseil islamique. "Il n'y a pas de mouvement opposé aux chrétiens comme le prétendent certains esprits tendancieux. Il s'agit seulement de respecter l'islam dans un pays musulman, tout comme on doit respecter la religion chrétienne dans un Etat chrétien."

mardi 3 juin 2008

17 prisons secrètes ont déjà remplacé Guantanamo


Alors que les États-Unis s’emploient à vider la prison de Guantanamo en vue de sa fermeture prochaine, le Pentagone et la CIA ont mis en place un vaste système de centres de tortures et de prisons secrètes, bien plus sévères.
C’est ce que s’apprête à révéler l’association de juristes britanniques Reprieve à qui l’on doit déjà les révélations détaillées sur les vols secrets de la CIA. Selon ce document, dont le Guardian a déjà donné un compte-rendu, Washington aurait choisi, pour échapper à toute poursuite judiciaire d’installer ses prisons secrètes dans les cales de bâtiments de guerre croisant dans les eaux internationales. 17 de ces prisons flottantes ont été identifiées, incluant l’USS Ashland, l’USS Bataan et l’USS Peleliu. Il s’agit principalement de navires de débarquement ou d’assaut qui ont la particularité d’avoir des cales facilement aménageables. Les prisonniers y sont retenus dans des cages alignées. Ils seraient actuellement 26 000 répartis dans ces « établissements ».
Au total, plus de 80 000 personnes auraient transité dans les prisons secrètes des États-Unis depuis 2001. En outre, Reprieve a identifié plus de 200 nouveaux cas de « restitution extraordinaire », c’est-à-dire d’enlèvement, depuis la publication par le Conseil de l’Europe du rapport de Dick Marty et les promesses de George Bush que son pays renonçait à ces pratiques.


Archives coloniales : ouvrir ou sceller ?

Les forces coloniales qui ont vaincu les résistances populaires, dont le soulèvement d’El Mokrani « et ses adhérents » en Algérie, avaient même produit des lois et des arrêtés exécutoires « au nom du peuple français ». Les archives coloniales sont crédibles, celles notamment par lesquelles le vainqueur entendait établir son emprise sur le vaincu. L’évolution ne pouvant attendre qu’elles soient toutes accessibles notamment en matière de propriété foncière, leur rétention est susceptible de faire le lit de conflits.Ces documents coloniaux mettent en lumière certaines étapes, périodes et autres cas particuliers tout en permettant d’envisager des pistes de réflexion d’une pertinence, parfois très actuelles. Parmi ces pistes de réflexion, figure celle de jauger des effets sociaux et politiques de l’usage parcellaire et intéressé qui pourrait être fait de documents coloniaux pour conforter de prétendus droits particuliers que l’Etat algérien pourrait être amené à légitimer ; une telle réflexion pourrait par conséquent baliser l’action de celui-ci sur ce terrain, surtout lorsque les mémoires locales démentent certaines prétentions et que les archives coloniales ne sont toujours pas disponibles, voire accessibles, sachant que cette situation ne peut qu’évoluer. De telles problématiques sont importantes et doivent être soigneusement étudiées car elles appellent, aussi, à retrouver, grâce à l’action de l’Etat algérien contemporain, une continuité historique et sociale intelligible dont l’époque coloniale n’aura été qu’une interruption, brutale, indélébile, mais passagère à l’échelle de l’Histoire.
Dans le cas précis du séquestre des habitants de ce qui était la tribu des Illoula Oussammeur, qui ont pris part au soulèvement de 1871, des documents coloniaux existent qui permettent de se situer quant à la propriété, antérieure au soulèvement de 1871 à travers le Senatus-consulte de 1863 et postérieure à travers le Senatus-consulte suivant (1876).
Aussi incroyable que cela puisse paraître, le Commissaire extraordinaire de la République (la IIIe République française) en Algérie (1) a signé en moins d’une semaine deux arrêtés portant séquestre des propriétés d’El Mokrani et de ses alliés. L’arrêté du 25 mars 1871 est celui qui appose le séquestre sur tous les biens d’El Mokrani et sur les biens de ses adhérents ainsi définis ; il se réfère à l’ordonnance du 31 octobre 1845, à la loi du 16 juin 1851 et au senatus-consulte du 22 avril 1863. Celui du 31 mars 1871 ne se réfère plus au senatus-consulte du 22 avril 1863 et appose le séquestre à tous les indigènes ainsi désignés qui auront commis ou commettront des actes d’hostilité contre la France ou contre ceux qui lui sont soumis ainsi qu’à tous les indigènes qui seront absents de leur propriété pendant plus de trois mois sans autorisation de l’administration coloniale.
Ces deux arrêtés démontrent bien que les avancées coloniales sont encadrées quasi-quotidiennement par les plus hautes institutions de la République. Le second arrêté renferme une assignation à résidence de fait de tous les indigènes, individuellement, sous peine d’être expropriés et d’être traduits en justice. On ignore si ces arrêtés ont été par la suite abrogés.
La démarche coloniale n’ira pas sans injustices, dont certaines seront vues comme des erreurs par les plus hautes autorités françaises de l’époque, ainsi qu’on le verra ci-après.
Le rapport accompagnant l’arrêté du 3 septembre 1896, fixant les droits d’usage laissés aux indigènes sur les domaines des communes d’Ighram et de Chellata, nous indique que « malgré les efforts de leur caïd Si Ali Cherif (2), ils se laissèrent entraîner dans la révolte de 1871 par les partisans de Cheikh Haddad. Cette défection entraîna l’apposition du séquestre sur les biens de la tribu [des Illoula Oussammeur] ».

L. C. Dominique produit dans son ouvrage(3) une dépêche télégraphique adressée par A. Thiers, président de la République française, au gouverneur général civil de l’Algérie en date du 22 avril 1873. Le président y déplore le procès intenté contre Ben Ali Cherif, accusé de soutien au soulèvement d’El Mokrani. Il y écrit : « Ayez pour Ben Ali Cherif égards convenables et rassurez-le sur les suites de ce procès », non sans avoir précisé sa décision d’user de son droit présidentiel de grâce à son endroit, aussitôt que les condamnations seront devenues définitives. En fait, Ben Ali Cherif aurait été condamné trois jours plutôt, le 19 avril 1873.
Cette lettre, entre autres, nous indique que, en avril 1873, Ben Ali Cherif était encore considéré comme pleinement soumis aux arrêtés de séquestre des 25 et 31 mars 1871, au même titre que les autres habitants du territoire d’Illoula qui ont pris part au soulèvement.
Pendant ce temps, entre 1871 et 1873, une transformation radicale s’emparait à la fois des gens et du sol. « C’est au lendemain de nos désastres de 1871, que remonte la création de centres de population dans la vallée de l’Oued-Sahel (4). C’est ainsi que l’amiral de Gueydon fonda la ville d’Akbou », écrivait A. Sabatier (5). L’Amiral de Gueydon était alors gouverneur général civil de l’Algérie. Cette ville fortifiée d’Akbou est donc édifiée sur les terrains conquis de séquestre. Et parmi les propriétés expropriés, il y avait la riche demeure de Bachagha (6) Ben Ali Cherif, non loin de l’ancien bordj turc, ainsi que des terrains agricoles qui vont servir de jardins et autres servitudes à la population et structures de base de la nouvelle cité coloniale.
Si le président de la République, Thiers, avait dû attendre que les condamnations définitives soient prononcées pour gracier celui qu’il considérait être un « ami sincère de la France », l’administration a sans aucun doute pris des mesures conséquentes. « Le 29 mai [1873], le maréchal Mac-Mahon, épousant la politique de Thiers, se prononça en faveur de la grâce pleine et entière et le gouverneur annula les effets de l’amende de guerre ou du séquestre » (7).
Si les mesures prises en faveur de Ben Ali Cherif, gracié et innocenté par le président de la République française, ne peuvent dès lors plus consister dans la restitution des propriétés dont il a été spolié en 1871, l’administration va toutefois le dédommager très généreusement. Mieux encore, elle fera en sorte que l’on ne retienne plus que d’excellents termes avec Ben Ali Cherif et ne fera mention, au lieu de séquestre, que de services mutuellement avantageux. Le résultat en est peut-être l’acte administratif daté du 21 août 1876 et contenant transaction entre l’Etat français, d’une part, et Ben Ali Cherif de l’autre. Cet acte fait part de la cession par Ben Ali Cherif de tous ses droits sur des propriétés, dont il avait été séquestré, d’une part. D’autre part, l’Etat français fait cession à son profit de terrains d’une superficie plus importante prélevée sur les anciennes propriétés de la tribu d’Illoula, situées entre Akbou et la colonie de M. Caudrier (ou Caudrillet), établie dans le même territoire tribal, vers Ouzellaguen. La propriété coloniale de M. Caudrier sera par la suite reprise par Ben Ali Cherif, de manière officielle vers 1923.
Cette situation va perdurer jusqu’à l’institution du Domaine autogéré socialiste « Akloul Ali », à l’indépendance : les paysans vont fouler de nouveau ces terres, en tant qu’ouvriers, y gagner leur pain, à égalité, en juste rétribution de la sueur versée et de la récolte obtenue. Il n’est pas anodin que les habitants de l’ancienne tribu des Illoula Oussammeur aient vécu normalement le fait que les terres ancestrales soient versées aux domaines socialistes autogérés à partir de 1962, puis aux exploitations agricoles collectives après 1987 et que, après un arrêté de restitution établi par la wilaya de Béjaïa au profit des héritiers du bachagha Benalicherif, perçu comme une confirmation du séquestre de 1871, ils se soient mis à s’affirmer en tant que tels, appuyés par les organisations de la société civile et par quelques élus (8) et responsables politiques courageux. Et, même alors que ladite « restitution » est contestée, il n’est pas sans intérêt de noter que les citoyens revendiquent, non pas que les terres de leurs ancêtres leur soient restituées à eux, mais de les reverser au domaine d’Etat, au secteur public, afin qu’elles continuent de servir l’intérêt général et l’ensemble du peuple et des collectivités locales : la lettre ouverte (9) au président de la République, en août 2007, l’atteste.
Ceci n’en reflète pas moins le sentiment d’être acculés à revendiquer une appartenance, désormais archaïque, à un ancien aarch, comme si certaines attitudes parasitaires, opportunistes voire consciemment déstabilisatrices, contraignent les populations à des raisonnements qui ne peuvent manquer de faire appel à des modes d’expression collective naguère délaissés pour d’autres formes, modernes. C’en est une autre question actuelle, fortuitement soulevée.
Cet exemple où se rencontrent mémoire populaire, archives coloniales, attitudes liées à des intérêts et des problématiques tout à fait actuelles met en valeur l’importance de réfléchir à ces questions. Il peut aussi aider ceux qui tiennent coûte que coûte à leur récupération individuelle à mieux identifier les biens que le colonialisme leur a effectivement pris, même lorsque l’administration réussit le tour de force d’enjoliver la spoliation du nom de « cession ».
Mai 2008
Tahar Hamadache

Notes :
(1) Le Commissaire extraordinaire de la République était le titre du représentant de l’Etat français en Algérie, comme l’était le titre de gouverneur général (des départements français) d’Algérie.
(2) Il s’agit certainement du Caïd Si Ben Ali Cherif.
(3) Un Gouverneur général de l’Algérie. L’Amiral de Gueydon. L. C. Dominique, Typographie Adolphe Jourdan, 1908.
(4) Autre appellation de l’Oued Soummam.
(5) Akbou en Kabylie, A. Sabatier, instituteur à Akbou et membre de la Société de géographie de Marseille, bulletin de la Société de géographie de Marseille, 1880.
(6) Benalicherif obtint le titre de bachagha des autorités coloniales dès vers 1840. Il perdra ce titre après 1871, mais l’ancêtre et ses héritiers en gagneront d’autres, dont celui de Chevalier de la Légion d’honneur. Une archive audiovisuelle de l’INA (France) présente un de ses successeurs, recevant le gouverneur Naegelen en mars 1950, de nouveau comme Bachagha : http://www.ina.fr/archivespourtous/index.php ?vue=notice&id_notice=AFE02014825.
(7) Extrait de : Histoire de l’Algérie contemporaine. La Conquête et les Débuts de la colonisation. Charles-André Julien, Presses universitaires de France, 1964.
(8) Il est notable que l’attitude de certains élus sauve la face de leur parti politique respectif, aphones sur cette affaire, à la différence d’autres.
(9) Voir : http://www.algeria-watch.org/fr/article/tribune/lettre_ouverte.htm

lundi 2 juin 2008

Ahmed Taleb Ibrahimi à Al Jazeera

L’ex-ministre des Affaires étrangères et ancien candidat à l’élection présidentielle de 1999, Ahmed Taleb Ibrahimi, a surpris hier plus d’un. Le président de Wafa, parti non agréé, a choisi Al Jazeera pour annoncer son retrait définitif de la vie politique du pays pour se consacrer à l’écriture de ses mémoires.
Une décision qui, dit-il, a été prise depuis 2004. « J’ai décidé en 2004 de me retirer définitivement de la scène politique et je n’ai pas fait de déclarations depuis », a-t-il affirmé. Raison invoquée : le pouvoir, selon lui, ne lui a pas laissé l’occasion de mettre en œuvre son programme et les propositions qu’il incarne en se portant candidat à l’élection présidentielle de 1999. « Malheureusement, le pouvoir a choisi une autre voie, celui de la confrontation au lieu du dialogue.A chaque fois que l’occasion m’était donnée, j’ai rappelé ces positions jusqu’à 1999, j’ai cru que j’incarnais cette proposition en me portant candidat à l’élection de 1999. Malheureusement, les décideurs n’ont pas laissé le peuple s’exprimer librement. Ils ont imposé celui qu’ils voulaient et ce qu’ils voulaient », a-t-il indiqué. Ahmed Taleb Ibrahimi a réaffirmé dans ce sens son attachement à ses positions concernant les causes de la crise algérienne et la nécessité d’une véritable réconciliation pour sa résolution. Une proposition que, ajoute-t-il, le pouvoir a toujours rejetée en préférant la confrontation. « Durant les années 1990, j’ai lancé un appel pour une véritable réconciliation nationale entre tous les Algériens et où s’affronteront les avis autour d’une table et non un affrontement dans les villes et les maquis », a-t-il rappelé en réponse à une question concernant sa position par rapport à la charte pour la paix et la réconciliation nationale, engagée par le président Bouteflika. En outre, le président de Wafa revient sur les conditions d’interdiction de son parti et la campagne de dénigrement dont il a fait objet. « Après les élections de 1999, j’en ai déduit que la bataille n’est pas à armes égales entre une autorité qui possède tous les moyens de persuasion et de dissuasion et un candidat qui n’a que sa foi en Dieu et le soutien de son parti », a-t-il précisé. La situation ne s’est pas améliorée depuis 1999, puisque, a-t-il enchaîné, « le scandale s’est répété avec l’élection présidentielle de 2004 ». D’où sa décision de quitter la scène politique nationale. Taleb Ibrahimi conforte aussi le constat selon lequel le pouvoir n’a pas laissé émerger une opposition proprement dite. « On vit une situation d’impasse, on ne peut pas parler, dans le cas de l’Algérie, de l’existence d’une véritable opposition. Tout système a besoin d’une opposition qui lui donne une légitimité, ce qui n’est pas le cas du pouvoir algérien », a-t-il estimé. Selon lui aussi, « la rente n’est pas distribuée de façon équitable à tous les citoyens et la justice sociale n’est pas devenue l’objectif des pouvoirs comme c’était le cas durant l’époque du président Boumediène ». A ses yeux, « si tous les moyens que possède l’Algérie concourent vers le même but, on peut sortir de l’impasse », estimant qu’« avec la justice sociale, la lutte contre la corruption et le régionalisme on peut éviter des crises internes et celles qui viennent de l’étranger peuvent être évitées par l’unification de nos rangs ». Il profite de l’occasion pour lancer un appel aux Algériens de « s’éloigner des rancœurs et des calculs mesquins et de voir l’intérêt suprême de la nation ». A une question sur les résultats de la lutte antiterroriste, le Dr Taleb Ibrahimi déclare ne pas savoir ce qui se cache derrière la notion de terrorisme. Il renvoie cette question aux seuls décideurs algériens. Il parlera aussi de ses mémoires et de ses rapports avec le regretté Boumediène pour lequel il se considère l’héritier dont il assume les aspects positifs et négatifs de sa période. « Boumediène a fondé l’Etat algérien moderne et à son époque s’est constituée une classe moyenne dont on était fier (…), il a privilégié la justice sociale même aux dépens des libertés individuelles. » S’agissant du coup d’Etat de Boumediène en 1965, selon lui, « Boumediène a remis le système sur le droit chemin ». Sur l’Union du Maghreb arabe (UMA), il affirmera que le rêve des étudiants maghrébins qui souhaitaient l’union des pays maghrébins n’a pas pu se réaliser. Entre autres raisons, il citera notamment la question sahraouie, laquelle dit-il, doit trouver sa solution dans l’organisation d’un référendum d’autodétermination. Interrogé par ailleurs sur sa participation au 6e congrès du dialogue interreligieux tenu à Doha, le Dr Taleb Ibrahimi dit ne pas trop croire à l’intérêt de ces rencontres sur le dialogue des civilisations et les religions car, à ses yeux, « elles sont malheureusement caractérisées par un échange de louanges et de manque de pertinence ». Sur ce plan, il a estimé que le dialogue ne peut être productif avec les représentants de la religion chrétienne que s’il est précédé par la reconnaissance par ces derniers de campagnes d’évangélisation auxquelles est confrontée la nation musulmane. De même qu’avec les représentants de la religion juive, ce même dialogue ne peut être productif que s’ils reconnaissent pour leur part l’existence des massacres dans les territoires palestiniens. Evoquant la réaction de l’Etat algérien par rapport à ces campagnes d’évangélisation, il dira que les évangélisateurs ont mis à profit la période noire du terrorisme quand les autorités se sont occupées du terrorisme pour se répandre dans plusieurs régions algériennes. Il a estimé à ce propos que l’Islam est ciblé.
Rabah Beldjenna